Le seigneur Krishna dit : « Je suis dans toutes les religions comme un fil au travers d'un collier de perles. Où que tu puisses chercher la sainteté extraordinaire, l'extraordinaire pouvoir ou la purification de l'humanité, sache alors que Je suis là. »
Texte lu au Parlement des Religions, Chicago, le 19 septembre 1893
Réunion à Chicago en 1893
Trois religions sont actuellement présentes dans le monde et nous viennent des temps préhistoriques : l'hindouisme, le zoroastrisme et le judaïsme. Elles ont toutes reçues, au cours de l'histoire de formidables chocs et toutes prouvent, par leur survie, leur force intérieure. Mais, alors que le judaïsme a échoué dans l'absorption du christianisme et a été chassé de son lieu de naissance par sa fille conquérante, et alors qu'une poignée de parsis est tout ce qui reste pour raconter l'histoire de leur grande religion, les sectes naquirent les unes après les autres en Inde paraissant secouer la religion des Védas dans ses fondements. Mais, comme les vagues d'un tsunami arrivant sur le rivage, l'eau n'envahit l'espace qu'un instant avant de retourner dans un flot mille fois plus vigoureux absorbant tout ; quand le tumulte de la précipitation se terminait, les sectes étaient invariablement prises dans le flot, absorbées, et assimilées par l'immense corps de la foi mère.
Depuis les hauts sommets de la philosophique védique, auxquels les dernières découvertes scientifiques semblent faire écho, jusqu'aux basses conceptions de l'idolâtrie parée de sa mythologie polymorphe, de l'agnosticisme des bouddhistes jusqu'à l'athéisme des jaïnistes, chacun et tous ont leur place dans l'hindouisme.
C'est alors que la question surgit : où est ce centre commun vers lequel toutes ces rayons grandement divergents convergent ? Où est la base commune sur laquelle ces évidentes et manifestement désespérantes contradictions peuvent se rejoindre en paix ? Et c'est à cette question que je vais tenter de répondre. Les hindous ont reçu leur religion au travers de la révélation : les Védas. Ils pensent que les Védas n'ont ni début ni fin. Cela peut vous sembler abracadabrant ; en effet, comment un livre peut être sans début ni fin ? Mais par l'expression « les Védas », il n'est fait référence à aucun livre. Cette expression signifie : « le trésor accumulé des lois spirituelles découvertes par différentes personnes à différentes époques ». De la même façon que la loi de la gravitation existait avant d'être découverte et continuerait d'exister si l'humanité l'avait oubliée, ainsi en est-il des lois spirituelles. Les relations morales, éthiques et spirituelles d'âme à âme et entre les esprits (spirits) individuels et le Père de tous les esprits, existaient avant leur découverte et demeureraient même si nous les avions oublié.
Les découvreurs de ces lois sont nommés les Rishis, et nous les honorons comme des êtres parfaits. Je suis content de dire à cette assistance que quelques uns des plus grands Rishis furent des femmes. Nous pouvons désormais dire que si ces lois en tant que lois n'ont pas fin, elles ont dû avoir un commencement. Les Védas nous enseignent que la création est sans commencement ni fin. On dit que la science a prouvé que la somme totale d'énergie cosmique est toujours la même. Alors, s'il y eut un temps où rien n'existait, où était donc localisée cette énergie ? Certaines disent qu'elle était dans une des formes potentielles de Dieu. Dans ce cas, Dieu doit être parfois potentiel et parfois cinétique, ce qui le rendrait changeant. Or, tout ce qui change est un composé et tous les composés doivent subir un changement dénommé destruction. Alors Dieu devrait mourir, ce qui est absurde. Cela indique qu'il n'y a jamais eu un temps où la création n'existait pas. Permettez-moi de proposer une comparaison : la création et le créateur sont deux droites, sans début ni fin, parallèles l'une à l'autre. Dieu est la providence toujours active, par le pouvoir duquel les systèmes, les uns après les autres, évoluent depuis le chaos, vivent pour un certains temps avant leur destruction. C'est ce que le garçon brahmane répète tous les jours : « le soleil et la lune, le Seigneur les créa comme il créa les soleils et les lunes des cycles précédents ». Et cela est en accord avec la science moderne.
Je suis ici debout, et si je ferme les yeux et tente de concevoir ma propre existence, « je », « je », « je », quel est l'idée qui se présente à moi ? L'idée d'un corps. Ne suis-je, alors, que la combinaison de substances matérielles ? « Non », déclarent les Védas. Je suis un esprit vivant dans un corps. le corps mourra mais je ne mourrai pas. Me voilà dans ce corps ; je choierai mais je continuerai de vivre. J'avais aussi un passé. L'âme n'a pas été créée, car la création veut dire une combinaison matérielle qui implique une future et certaine dissolution. Si l'âme a été créée, alors elle doit mourir. D'aucuns sont nés heureux, profitent d'une santé parfaite, ont un corps agréable, une vigueur mentale et tous leurs désirs comblés. D'autres sont nés misérables, certains sont sans main ou sans pieds, d'autres encore sont idiots et errent dans une existence de damnés. Pourquoi, s'ils sont tous créés, pourquoi un Dieu juste et miséricordieux crée l'un heureux et l'autre malheureux, pourquoi est-Il si partial ? Mais cela serait-il mieux de croire que ceux qui sont misérables dans cette vie seront heureux dans la suivante ? Pourquoi un homme serait-il malheureux ici et maintenant sous le règne d'un Dieu juste et miséricordieux ? Secondement, l'idée d'un créateur, Dieu, n'explique pas l'anomalie, mais exprime simplement la cruelle loi d'un être tout puissant. Il y a dû y avoir des causes, alors, avant sa naissance, pour qu'un homme soit misérable ou heureux, et ces causes sont ses actions passées.
Toutes les tendances de l'esprit et du corps ne sont-elles pas expliquées par les facultés acquises ? Nous voyons ici deux lignes parallèles de l'existence : l'une de l'esprit et l'autre de la matière. Si la matière et ses transformations répondent de tout ce que nous possédons, il n'y a aucune nécessité de supposer l'existence d'une âme. Mais on ne peut prouver que la pensée a évolué depuis la matière, et si un monisme philosophique est inévitable, un monisme spirituel est certainement logique et non moins désirable qu'un monisme matérialiste ; mais aucun de ceux-là n'est nécessaire ici.
Réunion à Chicago en 1893
Trois religions sont actuellement présentes dans le monde et nous viennent des temps préhistoriques : l'hindouisme, le zoroastrisme et le judaïsme. Elles ont toutes reçues, au cours de l'histoire de formidables chocs et toutes prouvent, par leur survie, leur force intérieure. Mais, alors que le judaïsme a échoué dans l'absorption du christianisme et a été chassé de son lieu de naissance par sa fille conquérante, et alors qu'une poignée de parsis est tout ce qui reste pour raconter l'histoire de leur grande religion, les sectes naquirent les unes après les autres en Inde paraissant secouer la religion des Védas dans ses fondements. Mais, comme les vagues d'un tsunami arrivant sur le rivage, l'eau n'envahit l'espace qu'un instant avant de retourner dans un flot mille fois plus vigoureux absorbant tout ; quand le tumulte de la précipitation se terminait, les sectes étaient invariablement prises dans le flot, absorbées, et assimilées par l'immense corps de la foi mère.
Depuis les hauts sommets de la philosophique védique, auxquels les dernières découvertes scientifiques semblent faire écho, jusqu'aux basses conceptions de l'idolâtrie parée de sa mythologie polymorphe, de l'agnosticisme des bouddhistes jusqu'à l'athéisme des jaïnistes, chacun et tous ont leur place dans l'hindouisme.
C'est alors que la question surgit : où est ce centre commun vers lequel toutes ces rayons grandement divergents convergent ? Où est la base commune sur laquelle ces évidentes et manifestement désespérantes contradictions peuvent se rejoindre en paix ? Et c'est à cette question que je vais tenter de répondre. Les hindous ont reçu leur religion au travers de la révélation : les Védas. Ils pensent que les Védas n'ont ni début ni fin. Cela peut vous sembler abracadabrant ; en effet, comment un livre peut être sans début ni fin ? Mais par l'expression « les Védas », il n'est fait référence à aucun livre. Cette expression signifie : « le trésor accumulé des lois spirituelles découvertes par différentes personnes à différentes époques ». De la même façon que la loi de la gravitation existait avant d'être découverte et continuerait d'exister si l'humanité l'avait oubliée, ainsi en est-il des lois spirituelles. Les relations morales, éthiques et spirituelles d'âme à âme et entre les esprits (spirits) individuels et le Père de tous les esprits, existaient avant leur découverte et demeureraient même si nous les avions oublié.
Les découvreurs de ces lois sont nommés les Rishis, et nous les honorons comme des êtres parfaits. Je suis content de dire à cette assistance que quelques uns des plus grands Rishis furent des femmes. Nous pouvons désormais dire que si ces lois en tant que lois n'ont pas fin, elles ont dû avoir un commencement. Les Védas nous enseignent que la création est sans commencement ni fin. On dit que la science a prouvé que la somme totale d'énergie cosmique est toujours la même. Alors, s'il y eut un temps où rien n'existait, où était donc localisée cette énergie ? Certaines disent qu'elle était dans une des formes potentielles de Dieu. Dans ce cas, Dieu doit être parfois potentiel et parfois cinétique, ce qui le rendrait changeant. Or, tout ce qui change est un composé et tous les composés doivent subir un changement dénommé destruction. Alors Dieu devrait mourir, ce qui est absurde. Cela indique qu'il n'y a jamais eu un temps où la création n'existait pas. Permettez-moi de proposer une comparaison : la création et le créateur sont deux droites, sans début ni fin, parallèles l'une à l'autre. Dieu est la providence toujours active, par le pouvoir duquel les systèmes, les uns après les autres, évoluent depuis le chaos, vivent pour un certains temps avant leur destruction. C'est ce que le garçon brahmane répète tous les jours : « le soleil et la lune, le Seigneur les créa comme il créa les soleils et les lunes des cycles précédents ». Et cela est en accord avec la science moderne.
Je suis ici debout, et si je ferme les yeux et tente de concevoir ma propre existence, « je », « je », « je », quel est l'idée qui se présente à moi ? L'idée d'un corps. Ne suis-je, alors, que la combinaison de substances matérielles ? « Non », déclarent les Védas. Je suis un esprit vivant dans un corps. le corps mourra mais je ne mourrai pas. Me voilà dans ce corps ; je choierai mais je continuerai de vivre. J'avais aussi un passé. L'âme n'a pas été créée, car la création veut dire une combinaison matérielle qui implique une future et certaine dissolution. Si l'âme a été créée, alors elle doit mourir. D'aucuns sont nés heureux, profitent d'une santé parfaite, ont un corps agréable, une vigueur mentale et tous leurs désirs comblés. D'autres sont nés misérables, certains sont sans main ou sans pieds, d'autres encore sont idiots et errent dans une existence de damnés. Pourquoi, s'ils sont tous créés, pourquoi un Dieu juste et miséricordieux crée l'un heureux et l'autre malheureux, pourquoi est-Il si partial ? Mais cela serait-il mieux de croire que ceux qui sont misérables dans cette vie seront heureux dans la suivante ? Pourquoi un homme serait-il malheureux ici et maintenant sous le règne d'un Dieu juste et miséricordieux ? Secondement, l'idée d'un créateur, Dieu, n'explique pas l'anomalie, mais exprime simplement la cruelle loi d'un être tout puissant. Il y a dû y avoir des causes, alors, avant sa naissance, pour qu'un homme soit misérable ou heureux, et ces causes sont ses actions passées.
Toutes les tendances de l'esprit et du corps ne sont-elles pas expliquées par les facultés acquises ? Nous voyons ici deux lignes parallèles de l'existence : l'une de l'esprit et l'autre de la matière. Si la matière et ses transformations répondent de tout ce que nous possédons, il n'y a aucune nécessité de supposer l'existence d'une âme. Mais on ne peut prouver que la pensée a évolué depuis la matière, et si un monisme philosophique est inévitable, un monisme spirituel est certainement logique et non moins désirable qu'un monisme matérialiste ; mais aucun de ceux-là n'est nécessaire ici.
L'évidence
peut être démontrée de manière directe. La vérification est la
preuve parfaite d'une théorie, et là réside le défi lancé au
monde par les Rishis. Nous avons découvert le secret par lequel les
profondeurs de l'océan de la mémoire peuvent être révélées -
tentez et vous pourriez obtenir une réminiscence complète de votre
vie passée.
Donc,
l'hindou croit qu'il est un esprit. Cet esprit, l'épée ne peut le
percer - le feu ne peut le consumer - l'eau ne peut s'y mélanger -
l'air ne peut le sécher. L'hindou croit que chaque âme est un
cercle dont la circonférence est nulle part, mais dont le centre est
situé dans le corps. Il croit aussi que la mort signifie le
changement de centre d'un corps à l'autre. L'âme n'est pas
conditionnée par la matière. Dans son essence, elle est libre, sans
attache, sainte, pure et parfaite. Mais, d'une manière ou d'une d'un
autre, elle se trouve liée à la matière, et elle se pense comme
matière.
Pourquoi
l'être libre parfait et pur peut-il alors être en esclavage de la
matière, est la question suivante. Comment l'âme parfaite peut-elle
s'illusionner de la croyance qu'elle est imparfaite ? Nous avons
entendu dire que les hindous évitent cette question en disant
qu'elle n'a pas lieu d'être. Certains penseurs veulent y répondre
en postulant un ou plusieurs êtres quasi-parfaits et en usant de
grand noms scientifiques pour combler le vide. Mais nommer n'est pas
expliquer. La question reste la même. Comment le parfait devient le
quasiment parfait ? Comment le pur, l'absolu, peut-il changer ne
serait-ce qu'une partie microscopique de sa nature ? Mais
l'hindou est sincère. Il ne veut pas s'abriter derrière des
sophismes. Il est assez brave pour faire face à a question comme un
homme ; et sa réponse est : « je ne sais pas. Je ne
sais pas comment l'être parfait, l'âme, en est arrivé à se penser
comme imparfait, comme joint et conditionné par la matière. »
Mais le fait est là. C'est un fait pour la conscience individuelle
que chacun se pense comme un corps. l'hindou ne tente pas d'expliquer
pourquoi les gens ne se considèrent que comme des corps. La réponse
que c'est la volonté de Dieu n'est pas une explication. Il n'y a
rien de plus à dire que ce que dit l'hindou : « je ne
sais pas ».
Donc,
l'âme humaine est éternelle et immortelle, parfaite et infinie, et
la mort signifie seulement un changement de centre d'un corps à un
autre. Le présent est déterminé par nos actions passées, et le
futur par le présent. L'âme va progresser ou régresser de
naissance en naissance et de mort en mort. Mais il y a une autre
question : l'homme est-il un petit bateau dans une tempête,
tantôt soulevé par la crête mousseuse d'une immense vague, tantôt
anéanti dans un gouffre béant, ballotté à la merci de ses bonnes
et mauvaises actions ; une épave sans pouvoir, cherchant de
l'aide, dans le courant rugissant et hâtif, sans compromis, des
causes et des effets ? Un petit papillon sous la roue de la
causalité écrasant tout sur son passage sans attendre les larmes de
la veuve ou les pleurs de l'orphelin ? Le cœur s'attriste à
cette idée, mais c'est la loi de la Nature. N'y a-t-il pas
d'espoir ? N'y a-t-il pas de moyen de s'échapper ? Ceci
étaient les pleurs qui venaient du fond d'un cœur désespéré. Ils
atteignirent le trône de la miséricorde, et des mots d'espoir et de
consolation vinrent et inspirèrent un sage védique. Il se leva
devant le monde et d'une voix de cor proclama la bonne nouvelle :
« Ecoutez, vous les enfants du bonheur immortel ! Vous
aussi qui résidez dans les plus hautes sphères ! J'ai trouvé
Celui qui est au delà de toutes les ténèbres, de toutes les
illusions. En ne connaissant que Lui, vous serez sauvés de la
répétition des morts. » « Enfants du bonheur éternel »,
quel doux nom plein d'espoir ! Permettez-moi de vous appeler,
frères, par ce doux nom - héritiers du bonheur éternel - oui,
l'hindou refuse de vous désigner en tant que pêcheurs. Vous êtes
les Enfants de Dieu, ceux qui partagent le bonheur éternel, des
êtres saints et parfaits. Vous, des divinités sur terre,
des pêcheurs ! C'est un péché de nommer un homme comme cela ;
c'est une diffamation contre la nature humaine. Venez, O lions, et
débarrassez-vous de cette illusion que vous êtes des moutons ;
vous êtes des âmes immortelles, des esprits libres, bénis et
éternels ; vous êtes pas la matière, vous n'êtes pas les
corps ; la matière est votre serviteur, vous n'êtes pas
serviteur de la matière.
C'est
ainsi que les Védas ne proclament pas une combinaison terrible de
lois impitoyables, ni une prison sans fin de causes et d'effets, mais
que, en tête de toutes ces lois, dans et au travers de chaque
particule de matière et de force, se tient l'Un « par la
commande duquel le vent souffle, le feu brûle, le nuage se
transforme en pluie et la mort arpente la terre. »
Et,
quelle est Sa nature ?
Il
est partout, le Pur et Sans-Forme, le Tout-Puissant et le
Tout-Miséricordieux. « Tu es notre père, Tu es notre mère,
Tu es notre ami bien-aimé, Tu es la source de toute force ;
donne-nous la force. Tu es Celui qui supporte les fardeaux de
l'univers ; aide-moi à supporter le petit fardeau de ma vie. »
Ainsi chantent les Rishis des Védas. Et comment le vénérer ?
Au travers de l'amour. « Il est à vénérer comme l'être
aimé, plus cher que tout dans cette vie et dans l'autre. »
C'est
la doctrine d'amour déclarée dans les Védas, et voyons maintenant
comment elle est complètement développée et enseignée par
Krishna, que les hindous voient comme étant une incarnation de Dieu
sur Terre.
Il
enseigna qu'un homme devrait vivre dans ce monde comme une feuille de
lotus, qui naît dans l'eau mais n'est jamais humidifié par l'eau ;
donc un homme devrait vivre dans ce monde, son cœur à Dieu et ses
mains au travail.
Il
est bien d'aimer Dieu dans l'espoir d'une récompense dans ce monde
ou dans le suivant, mais il est mieux d'aimer Dieu pour l'amour de
l'amour, comme dans la prière : « Seigneur, je ne veux ni
santé, ni enfant, ni connaissance. Si c'est Ta volonté, j'irai de
naissance en naissance ; mais accorde-moi que je puisse t'aimer
sans l'espoir d'une récompense, d'un amour non égoïste, pour
l'amour de l'amour ». Un des disciples de Krishna, l'empereur
d'Inde de l'époque, fut chassé de son royaume par ses ennemis et
fut obligé de trouver refuge avec sa reine dans une forêt de
l'Himalaya. Là, sa reine lui demanda comment il se faisait que, lui,
le plus vertueux des hommes, souffre de tant de misère. Yudhishthira
répondit : « regarde, ma reine, les Himalayas, comme ils
sont grands et beaux ; je les aime. Ils ne me donnent rien mais
ma nature est d'aimer le grand et le beau ; ainsi, je les aime.
De la même façon, j'aime le Seigneur. Il est la source de toute
beauté, de toute chose sublime. Il est la seule chose que l'on doit
aimer ; ma nature est de L'aimer, et ainsi, j'aime. Je ne prie
pas pour obtenir quelque chose ; je ne demande rien. Qu'Il me
place où bon Lui semble. Je dois l'aimer pour l'amour de l'amour. Je
ne peut marchander en amour. »
Les
Védas enseignent que l'âme est divine, même si elle est maintenue
liée à la matière ; la perfection sera atteinte quand ce lien
aura explosé, et le mot qu'ils utilisent pour cela est Mukti -
liberté -, liberté des liens de l'imperfection, liberté de la mort
et de la misère.
Et
ce lien peut seulement disparaître grâce à la miséricorde de
Dieu, cette miséricorde venant sur les purs. Donc, la pureté est la
condition de Sa miséricorde. Comment fonctionne cette miséricorde ?
Il Se révèle au cœur pur ; le pur et le sans tâche voient
Dieu, oui, dans cette vie même ; alors et seulement alors
toutes les impuretés du cœur sont effacées. Alors, tous les doutes
cessent. Il n'est plus le jouet de la terrible loi de la causalité.
Nous touchons là au centre même, à la véritable conception de
l'hindouisme. L'hindou ne veut pas vivre sur des mots et des
théories. S'il y a des existences au delà de l'existence des sens
ordinaires, il veut les voir en face. S'il y a une âme en lui qui
n'est pas faite de matière, s'il y a une Ame universelle toute
miséricordieuse, il ira vers Elle directement. Il doit Le voir, et
seul cela peut détruire tous les doutes. Ainsi, la meilleure preuve
qu'un sage hindou donne à propos de Dieu est : « j'ai vu
l'âme ; j'ai vu Dieu ». Et c'est l'unique condition de la
perfection. L'hindouisme ne consiste pas dans des combats et des
tentatives pour croire en une certaine doctrine ou un certain dogme,
mais en réalisant ; il n'est pas question de croire, mais
d'être et de devenir.
Ainsi,
le seul objet de leur système est, par l'effort permanent, de
devenir parfait, de devenir divin, d'atteindre Dieu et de voir Dieu,
et cela, atteindre Dieu, devenir parfait comme l'est le Père du
Paradis, constitue la religion des hindous.
Et
que devient un homme quand il atteint la perfection ? Il vit une
vie de félicité infinie. Il jouit de la félicité parfaite et
infinie, ayant obtenu la seule chose dans laquelle un homme doive
prendre du plaisir, soit Dieu, et il jouit de la félicité avec
Dieu.
Jusqu'à
là, tous les hindous sont d'accord. C'est la religion commune de
toutes les sectes d'Inde. Mais la perfection est absolue, et l'absolu
ne peut être divisé en deux ou en trois. L'absolu ne peut avoir de
qualités. Il ne peut être un individu. Ainsi, quand l'âme devient
parfaite et absolue, elle doit devenir une avec Brahman, et elle
réalise le Seigneur par la perfection, la réalité de sa propre
nature, son existence absolue, sa connaissance absolue et sa félicité
absolue. Cet état est souvent décrit dans les livres comme la perte
de l'individualité ou devenir une bloc de pierre.
« Il
plaisante comme si les blessures ne faisaient pas mal. »
Je
peux vous dire que cela ne ressemble pas à ça. Si le bonheur est
d'apprécier la conscience d'un petit corps, c'est un bonheur plus
grand que d'apprécier la conscience de deux corps, et donc la mesure
du bonheur croit avec la conscience d'un nombre croissant de corps,
le but, le but ultime du bonheur étant atteint quand la conscience
devient universelle.
Ainsi,
pour obtenir cette individualité universelle infinie, cette
misérable petite prison d'individualité doit disparaître. Alors
est-ce que la mort seule peut faire cesser l'état dans lequel je
suis seul avec la vie ? Est-ce que la misère peut seule faire
cesser l'état dans lequel je suis seul avec le bonheur ? Est-ce
que les erreurs peuvent seules faire cesser mon face à face avec la
connaissance ? C'est la conclusion scientifique nécessaire. La
science m'a prouvé que mon individualité physique était une
illusion, que mon corps est un petit corps qui change continuellement
dans un océan de matière sans rupture ; et Advaita (l'unité)
est le complémentaire nécessaire de l'âme.
La
science n'est rien sinon la découverte de l'unité. Si la science
atteignait l'unité parfaite, ses progrès s'arrêteraient, parce que
le but serait atteint. Ainsi, la chimie ne pourrait pas progresser si
l'on découvrait un seul élément duquel les autres pouvaient être
tirés. La physique s'arrêterait si elle était capable de découvrir
une seule énergie dont toutes les autres seraient issues. La science
de la religion deviendrait parfaite si l'on découvrait Celui qui est
la seule vie dans un univers de mort, Lui qui est la base constante
de ce monde en perpétuelle mutation.,Celui qui est seul la seule Ame
dont toutes les autres ne sont que des manifestations illusoires.
Ainsi est-ce, au travers de la multiplicité et de la dualité, que
l'unité ultime est atteinte. La religion ne peut pas aller au delà.
C'est là le but de toute science.
Toute
science est obligée de parvenir à se conclusion sur le long terme.
Les faits (manifestation), et non la création, voilà les mots de la
science d'aujourd'hui. L'hindou est heureux que ce qu'il ait chéri
en son sein depuis des siècles soit en train d'être enseigné
aujourd'hui avec un langage plus convainquant aux lumières des
dernières conclusions de la science moderne.
Nous
descendons maintenant des aspirations de la philosophie à la
religion des ignorants. En tout premier lieu, je pourrais vous dire
qu'il n'y a pas de polythéisme en Inde. Dans chaque temple, Si
quelqu'un se tient debout et écoute, il trouvera les adorateurs
appliquer tous les attributs de Dieu, dont l'omniprésence, aux
images. Ce n'est pas du polythéisme, pas plus que de l'hénothéisme.
« La rose, même nommée par un autre nom, a le même parfum
suave. » Les noms ne sont pas des explications.
Je
me souviens, étant enfant, entendre un missionnaire chrétien
prêcher à une foule en Inde. Entre autres douces choses, il leur
faisait imaginer qu'il donnait un coup de son bâton à leur idole.
Qu'est-ce que l'idole pourrait faire ? Un membre de la foule
répondit adroitement : « Si je trompe votre Dieu, que
peut-Il faire ? » « Vous serez puni, dit le prêtre,
quand vous mourrez ». « Alors, mon idole vous punira
quand vous mourrez », répondit l'hindou.
L'arbre
est connu par ses fruits. Quand j'ai vu parmi ceux qui sont nommés
des idolâtres, des hommes dont la moralité, la spiritualité et
l'amour sont tels que je n'en ai vu nulle part ailleurs, je m'arrête
et me demande : « est-ce que le péché engendre la
sainteté ? »
La
superstition est le grand ennemi de l'homme, mais la bigoterie est
pire. Pourquoi un chrétien va-t-il à la messe ? Pourquoi la
croix est sainte ? Pourquoi tourne-t-on son visage au ciel pour
prier ? Pourquoi y a-t-il tant d'images dans les églises
catholiques ? Pourquoi y a-t-il tant d'images dans les esprits
des protestants quand ils prient ? Mes frères, nous ne pouvons
pas plus penser à quelque chose sans une image mentale que nous ne
pouvons vivre sans respirer. Par la loi de l'association, l'image
matérielle appelle l'idée et vice versa. C'est pourquoi l'hindou
utilise un symbole extérieur quand il adore. Il vous dire que cela
aide à fixer l'esprit sur l'Etre qu'il est en train de prier. Il
sait autant que vous que l'image n'est pas Dieu, que l'image n'est
pas omniprésente. Mais après tout, que veut dire l'omniprésence à
la plupart des gens ? C'est seulement un mot, un symbole. Est-ce
que Dieu possède une limite ? Dans le cas où Il n'en
possèderait pas, quand nous répétons ce mot « omniprésent »,
nous pensons à l'immensité du ciel ou de l'espace, c'est tout.
Comme
nous arrivons à cela d'une façon ou d'une autre, par les lois de
notre constitution mentale, nous devons associer nos idées de
l'infinité à l'image du ciel bleu, ou à l'image de la mer, ainsi,
nous connectons naturellement notre idée de la sainteté avec
l'image d'une église, d'une mosquée ou d'une croix. Les hindous ont
associé leur idée de sainteté, pureté, vérité, omniprésence,
et autres idées du même type avec des images et des formes
différentes. Mais avec cette différence que, pendant que certaines
gens dévouent leur vie entière à une idole qui est une église et
ne parviennent jamais à s'élever plus haut, parce que pour eux, la
religion signifie l'assentiment intellectuel à certaines doctrines
ainsi que faire le bien pour leurs congénères, la religion pour
l'hindou est centrée sur la réalisation. L'homme doit devenir divin
en réalisant le divin. Les idoles, les temples, les églises ou les
livres ne sont que des supports, des aides dans cette enfance
spirituelle : car encore et encore, il doit progresser.
Il
ne doit pas s'arrêter en chemin. Les Ecritures disent :
« Adoration externe ou adoration matérielle, sont le stade le
plus bas ; combattre pour s'élever ou accomplir la prière
mentale sont l'étape suivante ; mais le stade le plus haut est
quand le Seigneur a été réalisé ». L'homme pénétré qui
s'agenouille devant l'idole vous dira : « Personne ne peut
L'exprimer, ni le soleil, ni la lune, ni les étoiles, ni les
éclairs, ni ce que nous dénommons le feu : à travers Lui, ils
brillent tous. » Mais il ne méprise l'idole de personne ou ne
nomme l'adoration des idoles des autres péché. Il reconnaît en
cette adoration une étape nécessaire de la vie. « L'enfant
est fils de l'homme. » Serait-il juste pour un vieil homme de
dire que l'enfance est un péché ou que la jeunesse est un péché ?
Si
un homme peut réaliser sa nature divine avec l'aide d'une image,
serait-il juste de nommer cela un péché ? Non plus qu'une fois
passé outre cette étape, la nommerait-il rétrospectivement une
erreur ? Pour l'hindou, l'homme ne voyage pas de l'erreur à la
vérité, mais de la vérité à la vérité, d'une vérité plus
basse à une vérité plus haute. Pour lui, toutes les religions,
depuis le plus simple fétichisme au plus haut absolutisme, mettent
en lumière les tentatives de l'âme humaine pour appréhender et
réaliser l'Infini, chacune de ces tentatives étant déterminée par
les conditions de sa naissance et de ses associations, et chacune
d'elle marquant une étape dans la progression spirituelle. Chaque
âme est un jeune aigle s'élevant de plus en plus haut, réunissant
de plus en plus de force, jusqu'à que ce dernier atteigne le Soleil
Glorieux.
L'Unité
dans la variété est le plan de la nature, et l'hindou le reconnaît.
Chaque autre religion se repose sur des certains dogmes fixes, et
tente de forcer la société à les adopter. Cela implique que la
société ne propose qu'un seul manteau qui doit à la fois aller à
Jean et à Henri, de la même façon. Si le manteau ne va pas à Jean
ou à Henri, il doit aller sans manteau pour couvrir son corps. Les
hindous ont découvert que l'absolu ne pouvait se réaliser, ou se
penser, ou même s'exprimer, qu'à partir du relatif, et que les
images, croix, croissants n'étaient simplement que des symboles, des
patères pour « accrocher » les idées spirituelles. Ce
n'est pas que cette aide soit nécessaire pour tout le monde, mais
ceux qui n'en n'ont pas besoin n'ont pas le droit de dire que les
autres sont dans l'erreur. Les idoles ne sont donc pas obligatoires
dans l'hindouisme.
Je
voudrais insister sur une chose : l'idolâtrie en Inde ne
signifie pas quelque chose d'horrible. Ce n'est pas la « mère
des catins ». C'est au contraire la tentative d'esprits non
développés de saisir des hautes vérités spirituelles. Les hindous
ont leurs défauts, ils ont parfois leurs exceptions, mais retenez
bien cela : ils veulent toujours punir leur propre corps mais
jamais couper la gorge de leurs voisins. Si le fanatique hindou se
fait brûler sur le bûcher, il n'allume pas le feu de l'Inquisition.
Et cela même ne peut être porté au compte de sa religion tout
comme les bûchers de sorcières ne peuvent être portés au compte
du Christianisme.
Ainsi,
pour l'hindou, le monde des religions est uniquement un passage, une
arrivée de différents hommes et femmes de diverses conditions,
ayant traversé diverses circonstances, qui visent au même but.
Toutes les religions évoquent un Dieu en dehors de l'homme matériel,
et le même Dieu est l'inspirateur de tous. Pourquoi, alors, y a-t-il
autant de contradictions ? Elles ne sont qu'apparentes, dit
l'hindou. Les contradictions viennent de la même vérité s'adaptant
aux circonstances changeantes des natures diverses.
C'est,
en fait, la même lumière passant au travers de lunettes dont les
verres sont de couleurs différentes. Et ces petites variations sont
nécessaires pour les besoins de l'adaptation. Mais dans le cœur de
chaque chose, la même vérité règne. Le Seigneur a déclaré à
l'hindou dans son incarnation en tant que Krishna : « Je
suis dans toutes les religions comme un fil au travers d'une collier
de perles. Où que tu puisses chercher la sainteté extraordinaire,
l'extraordinaire pouvoir ou la purification de l'humanité, sais
alors que Je suis là. » Et quel fut le résultat ? Je
défie le monde de trouver, dans l'ensemble de la philosophie
sanskrite, une seule expression impliquant que seul l'hindou serait
sauvé et non les autres. Vyasa dit : « Nous trouvons des
hommes parfaits au delà des bornes de notre caste et de notre
croyance ». Une chose encore : comment, dans ces
conditions, l'hindou, dont toutes les pensées sont centrées sur
Dieu, peut-il croire dans le bouddhisme, qui est agnostique, ou dans
le jaïnisme qui est athée ?
Les
bouddhistes et les jaïnistes ne dépendent pas de Dieu, mais la
seule force de leur religion est dirigée vers le centre de chaque
religion : de faire de l'homme un dieu. Ils n'ont pas vu le
Père, mais ils ont vu le Fils. Or celui qui a vu le Fils a vu le
Père aussi.
Cela,
mes frères, est une brève introduction aux idées religieuses des
hindous. L'hindou peut avoir échoué dans l'accomplissement de ses
projets, mais s'il doit y avoir un jour une religion universelle,
cela devra être une religion sans endroit ni temps, une religion qui
sera infinie comme le Dieu qu'elle prie, et dont le soleil brillera
au dessus des adeptes de Krishna et du Christ, sur les saints comme
sur les pêcheurs, une religion qui ne sera ni brahmanique, ni
bouddhique, ni chrétienne, ni musulmane, mais qui sera la somme
totale de toutes ces religions et qui aura un espace infini pour son
développement. Dans sa catholicité, elle embrassera dans ses bras
infinis tous les humains et fera une place pour tous, du plus bas des
sauvages rampants sorti depuis peu de l'état sauvage, à l'homme le
plus élevé, imposant par les vertus de sa tête et de son cœur,
une image presque supérieure à une humanité craintive et en doute
à sa propre nature humaine. Ce sera une religion dans laquelle
n'auront pas leur place la persécution et l'intolérance, une
religion qui reconnaîtra la divinité dans chaque homme et chaque
femme, et dont le seul but et la seule force sera d'aider l'humanité
à réaliser sa propre vérité, sa propre nature divine.
Offrez
une telle religion, et toutes les nations vous suivront. Le concile
d'Asoka était un concile de la foi bouddhiste. Celui d'Akbar, bien
que plus ambitieux, ne fut qu'une réunion de parloir, réservée à
l'Amérique pour proclamer aux quatre coins du monde que le Seigneur
était dans toute religion.
Que
Celui qui est le Brahman des hindous, l'Ahura-Mazda des zoroastriens,
le Buddha des bouddhistes, le Jehovah des juifs, le Père qui Etes
aux Cieux des chrétiens, vous donne de la force pour défendre cette
noble idée ! L'étoile est montée en Orient ; elle a
voyagé progressivement vers l'Occident, parfois avec une lumière
voilée, parfois avec une lumière brillante, jusqu'à ce qu'elle ait
tracé une ligne sur le monde. Et maintenant, elle se lève de
nouveau à l'horizon de l'Orient, aux frontières du Sanpo, un
millier de fois plus lumineuse qu'elle ne le fut jamais.
Salut
à toi, Columbia, terre de la liberté ! Il t'a été donné à
toi qui n'a jamais trempé tes mains dans le sang de ton voisin, toi
qui n'a jamais découvert que le plus court chemin de devenir riche
était de voler ses voisins, il t'a été donné à toi de marcher à
l'avant-garde de la civilisation avec le drapeau de l'harmonie.