Pierre
Crétois est agrégé et docteur en philosophie. ATER à
l’université François Rabelais de Tours. Il travaille en histoire
de la philosophie et en philosophie politique sur les thèmes de la
propriété et des biens communs en particulier.
Serions-nous
plus libres sans l'Etat?
C'est aujourd'hui
le bac philo et Pierre Crétois a accepté de jouer le jeu,
en piochant dans
les sujets 2012. En moins de 4h, voici sa copie...
Dans
la définition sociologique qu'en donne Weber, l'Etat est une
institution qui a "le monopole de la violence physique
légitime". Seul l'Etat, par l'usage de la force publique, a le
droit de prendre quelqu'un de corps, de l'enfermer et de lui imposer
un nombre savant de contraintes (interrogatoire, garde à vue,
prison, perquisition...). Personne d'autre ne saurait se prévaloir
d'un droit d'enfermer autrui, d'entrer chez lui sans son accord, de
l'interroger pendant des heures sans son consentement. Comment un
organe collectif qui dispose du droit de contraindre pourrait-il nous
libérer ? Ne serions-nous pas plus libres s'il n'y avait pas d'Etat
?
Ce
que l'on appelle l'Etat est, de manière plus générale, une forme
récente d'organisation politique qui désigne les institutions
chargées de maintenir l'ordre et la justice dans une société
civile composée d'individus libres. Si les individus sont laissés
libres, c'est-à-dire sans contrainte extérieure, alors rien ne
garantit que leurs actions soient coordonnées. Si être libre c'est
pouvoir laisser libre cours à ses choix individuels alors, en effet,
on voit mal comment parvenir à une coordination des individus sans
une institution contraignante. Il faudrait alors limiter la liberté
d'action pour la sauver, en quelque sorte. Pourtant, cette conception
est trop simpliste car elle se rapporte à une vision d'un homme qui
agirait sans souci des autres. Or, il est bien évident qu'à
regarder les enfants jouer spontanément, leur désir d'appartenir au
groupe fait qu'ils se donnent spontanément des règles. L'homme est
un animal sociable, c'est constitutif de son épanouissement de vivre
avec les autres et de se préoccuper de la coordination de ses
actions avec celles des autres. L'homme n'aurait donc pas besoin de
l'Etat pour avoir un sens des impératifs de la vie collective.
Pourtant, ce désir de vivre avec les autres et d'être reconnu par
eux, conduit beaucoup d'individus à vouloir être les premiers et,
ce faisant, à des relations rivales favorisant les excès de pouvoir
et la domination de l'homme par l'homme aboutissant, in fine, à une
privation de liberté. Les hommes se coordonneraient-ils spontanément
? L'Etat ne peut-il pas abuser de son pouvoir de contrainte ? Sans
Etat, chargé de maintenir l'ordre public, il est évident que chacun
serait toujours menacé par les excès du pouvoir des autres. Mais
l'existence d'un pouvoir de contrainte concentré dans une
institution extérieure à la société civile ne se présente-t-elle
pas aussi comme une menace inutile pour la liberté humaine ?
L'Etat
règle le problème de la coordination des individus libres. Certes
les hommes seraient plus libres sans l'Etat, mais cette liberté
serait un vain mot.
En
effet, s'il n'y a pas de contrainte, le risque qu'il y ait des
incompatibilités entre les choix individuels est grand, même sans
mauvaise volonté ni rivalité entre les hommes. Laisser chacun sans
contrainte serait, immanquablement, s'exposer à des choix
incompatibles et donc à des conflits privant les uns et les autres
de liberté. Si, par exemple, quelqu'un qui n'a pas de maison décide
de prendre possession d'un toit - sans vouloir nuire à autrui - sa
décision n'est pas compatible avec celle du propriétaire de jouir
paisiblement de son bien. Le propriétaire risque de ressentir
l'intrusion de l'autre comme une entrave à sa liberté de profiter
tranquillement de ce qui est à lui. Faire respecter le droit de
propriété, par l'usage de la force publique, c'est donc faire en
sorte que celui qui a décidé librement de s'approprier un bien ne
puisse pas voir l'expression de sa liberté entravée par celle
d'autrui. C'est une chose que fait bien remarquer Hayek : le droit
s'efforce de coordonner les choix individuels en évitant que les
individus prennent des décisions incompatibles entre elles. Ce
faisant, l'Etat, chargé de faire respecter le droit, évite que la
liberté individuelle ne conduise à des situations de conflits
privatives de liberté. Le droit, garanti par la puissance publique
de l'Etat, protège donc la liberté des uns de celle des autres.
L'homme
a surtout besoin d'un chef et c'est l'Etat qui assume ce rôle. Le
principal problème d'une liberté sans Etat est qu'elle est absolue,
sans limite. On serait, certes, plus libre sans l'Etat, mais d'une
liberté impossible. Il faut donc que l'homme abandonne sa liberté
absolue dont il ne peut pas jouir à cause des conflits qu'elle
provoque avec celle des semblables et accepte de la remettre à un
chef. Le véritable problème de l'homme dans ce que Hobbes appelle
"l'état de nature", c'est-à-dire, dans une société sans
Etat, sans instance investie de la souveraineté, c'est que chacun se
croirait maître absolu de lui-même, voudrait faire la justice tout
seul à l'aune de son intérêt personnel. C'est cela qui fait de
l'homme le pire prédateur pour l'homme ("homo homini lupus").
Tant que l'homme sera absolument maître de lui-même, il présentera
un danger pour la liberté des autres. Il faut, au contraire,
transmettre la souveraineté que chacun a sur soi à un chef qui
tranche les conflits de manière irrévocable. L'existence d'un chef
est donc décisive, il s'agit de perdre une liberté sans cadre pour
gagner une liberté encadrée par la loi. Si chacun pense avoir un
droit sur tout et en être le seul juge, c'est là qu'interviennent
les conflits autour de la propriété comme celui que nous avons
évoqué, par exemple. Les individus doivent donc abandonner la
souveraineté sur eux-mêmes qui fait leur liberté naturelle avant
l'Etat, pour la remettre à un chef chargé de dire le droit. Bien
sûr l'homme serait plus libre sans l'Etat, mais c'est négliger que
l'homme a besoin d'un chef pour cohabiter avec les autres. Il doit
impérativement cesser de se penser comme souverain de lui-même.
Il
faudrait même aller plus loin car on peut montrer que l'Etat, comme
chef qui impose la paix entre les hommes, libère les individus
d'eux-mêmes. Sans l'Etat, en effet, nous serions soumis à la
tyrannie de nos désirs qui nous mettent constamment en rivalité et
en concurrence avec les autres. Si l'on ajoute à ce que nous
disions, que les désirs humains sont façonnés, comme un miroir,
par le désir des autres comme le pense Hobbes avant Hegel, on doit
considérer aussi que, sans Etat, ce serait "la guerre de tous
contre tous". Si les individus sont en concurrence constante,
c'est précisément qu'ils ont tendance à désirer ce que les autres
désirent. L'identité de chacun se façonne dans le rapport aux
autres qui passe, souvent, par l'intermédiaire des choses que tous
essaient de s'approprier pour se démarquer. Les choses deviennent
alors un enjeu de reconnaissance et de pouvoir qui produit un conflit
perpétuel : pour les places, pour les reconnaissances, pour
l'argent... L'anthropologue de l'économie, Carl Polanyi, avait
d'ailleurs bien fait remarquer que la quête d'argent, en société,
n'est pas une quête de bien-être mais une quête de reconnaissance
sociale. Cette marche du désir qui nous pousse à la rivalité est
une véritable tyrannie. Or, en remettant la marche libre de nos
désirs rivaux à un chef politique, il nous libère de leur
tyrannie, tout en nous libérant de la tyrannie que le désir des
autres nous impose. L'Etat comme chef législateur donne certes des
limites à l'expression libre de nos désirs, mais, dans le même
temps nous en libère. Nous serions donc plus libre sans l'Etat mais
d'une liberté qui serait l'autre nom de la tyrannie des désirs
rivaux qui animent trop souvent la sociabilité humaine (Kant parle
d'ailleurs, à ce sujet, d'"insociable sociabilité" de
l'homme).
Pourtant,
tout ce que nous venons d'évoquer se fonde sur une conception très
discutable de l'humanité. La croyance selon laquelle les désirs de
l'homme sont nécessairement rivaux ou même que l'homme ne se
préoccupe que de lui-même si on le laisse libre est absolument
discutable. C'est la raison pour laquelle on est en droit de se
demander si l'Etat ne représente pas une restriction abusive de
notre liberté naturelle. En réalité, il y a fort à penser que
sans l'Etat l'on serait beaucoup plus libre ou, à tout le moins,
beaucoup moins menacé dans notre liberté.
Commençons
par déconstruire l'idée selon laquelle l'Etat serait une sorte de
réalité paradoxale qui restreindrait la liberté pour favoriser la
liberté. Cette idée est entièrement basée sur une vision
discutable de l'homme. Il est faux que l'homme ne soit naturellement
préoccupé que de lui-même et soit incapable de s'imposer lui-même
les exigences de la vie collective. Les hommes cherchent, au
contraire, spontanément à coordonner leur action avec celle des
autres, c'est donc absolument une expression de leur liberté que se
donner eux-mêmes des règles permettant une sociabilité paisible.
Certaines études en psychologie nous apprennent que les enfants se
donnent spontanément des règles permettant de collaborer avec les
autres. Piaget dans son livre sur le Jugement moral chez l'enfant,
montre, en effet, qu'il y a deux sortes de règles morales : la
première sorte de règle morale est imposée aux enfants par les
adultes sous la forme d'une contrainte et est intériorisée par
crainte de la punition ; la deuxième sorte de règle morale est
spontanée, les enfants qui cherchent à jouer ensemble se donnent
spontanément des règles de conduites rendant possible le jeu et se
corrigent mutuellement si l'un enfreint ces règles. Pour jouer aux
billes, par exemple, il faut nécessairement que tous les enfants se
donnent les règles qui rendent possible le jeu lui-même et
corrigent celui qui ferait une faute, c'est donc spontanément et
sans autorité supérieure que les enfants se coordonnent. Si l'on
généralise cette idée alors il semble évident qu'une autorité
supérieure comme l'Etat n'est pas nécessaire mais tend à priver
les individus de leur liberté.
La
forme anarchique est la plus adaptée à l'expression libre des
individualités. Les penseurs anarchistes, contrairement à ce que
l'on croit, ne sont pas défavorables aux règles mais font confiance
aux hommes pour se les donner eux-mêmes en collaborant dans des
tâches communes. Pour réaliser un projet commun, il faut en effet
s'assujettir à des règles qui permettent la collaboration et la
réussite du projet. C'est toute la logique des associations. C'est
ainsi que Proudhon, par exemple, a proposé un système de société
mutualiste qui s'organise horizontalement sans aucune espèce
d'autorité tutélaire comme l'Etat. Pourquoi tenir absolument à la
forme de l'autorité des chefs plutôt qu'à la collaboration des
hommes dans des coopératives à laquelle chacun a goût et intérêt
à participer. Si l'on veut que l'homme soit le plus parfaitement
libre, il ne faut pas plus d'Etat mais moins d'Etat : il faut que
chacun puisse choisir la vie qu'il souhaite sans entrave et qu'il
risque d'être choisi ou rejeté par les autres dans ses choix.
Chacun donne ce qu'il souhaite et est ou non accepté par les autres.
La collaboration des hommes doit se faire horizontalement pour
laisser à la liberté individuelle la plus grande créativité et le
plus grand espace d'expression. Cela ne signifie pas que tout soit
autorisé car les hommes, en s'associant, s'imposent à eux-mêmes
leurs normes sans que n'intervienne l'Etat qui n'est jamais que la
captation par certain d'un droit de dominer les autres.
Au-delà
de l'erreur anthropologique, la thèse naïve selon laquelle l'Etat
serait forcément libérateur, on s'expose à un autre problème
sévère. Si Hobbes estime que le fondement de l'Etat provient du
fait que chacun remet sa liberté à un chef, qui empêchera le chef,
détenteur d'une autorité incontestable et de la "violence
physique légitime", d'abuser de son pouvoir ? Plus une entité
a du pouvoir, plus son action présente de risques. N'a-t-on pas, au
vingtième siècle, siècle de l'Etat-nation, la mise en évidence
des périls totalitaires de la forme étatique ? Ainsi, concentrer le
pouvoir dans une seule main, c'est aussi un risque, celui de ne plus
pouvoir empêcher l'action du pouvoir y compris dans ses pires
conséquences. Hannah Arendt a produit une analyse perçante du péril
totalitaire et de son étroite liaison avec la forme de l'Etat
lorsqu'usant de son pouvoir, il cherche à régir tous les aspects de
la vie sociale sans limite. Nietzsche, dans Ainsi
parlait Zarathoustra,
parle du "plus froid des monstres froids" au sujet de
l'Etat et, il considère que la forme de l'Etat implique forcément
une scission entre lui et le peuple et une tendance naturelle à se
séparer des attentes de la société pour devenir oppresseur. Les
animaux ont des troupeaux. Chez l'homme, il n'y en a pas, mais il y a
des Etats. L'Etat, pour compenser l'insociabilité humaine finit donc
par se couper de la société en lui imposant des impératifs qui
peuvent l'opprimer. Jamais "un" chef ne pourra représenter
une multitude d'individus singuliers et divers et s'il cherche à les
façonner, à leur imposer des règles communes, il leur fait
nécessairement violence.
Pourtant,
condamner toute forme de pouvoir étatique en raison de ses excès
relève du sophisme. C'est ce que l'on appelle l'argument de la
"pente glissante" qui est aussi représenté dans
l'expression : "qui vole un œuf vole un bœuf". Bien
entendu certaines formes dévoyées de pouvoir étatique sont
privatives de liberté mais on ne peut pourtant pas déduire si
facilement que l'on serait plus libre sans l'Etat. Les sociétés
sans Etat, sont des sociétés de hordes où les mouvements de masse
ne sauraient être maîtrisés, où la vindicte des uns contre les
autres ne saurait être empêchée, où la liberté, finalement,
risquerait d'aboutir à l'émergence de comportements collectifs
dangereux et impossibles à maîtriser. Il faut donc un Etat qui
maîtrise la vie collective mais un Etat où le pouvoir limite le
pouvoir, où le pouvoir soit tellement modéré par le jeu des
institutions qu'il garantisse l'homme contre tout despotisme et le
tienne dans la plus grande liberté possible.
Ce
que l'on peut reprocher à la forme étatique c'est, effectivement ce
que disait Nietzsche : l'Etat croit représenter le peuple et risque
alors de ne lui proposer que servitude. Claude Lefort a bien mis en
évidence le fait que tout Etat devient dangereux dès lors qu'il
croit devoir faire l'unité d'un peuple ou qu'il croit la
représenter. Or, une société est composée d'une infinité d'être
divers ayant des intérêts variés, passant d'une sphère de vie à
l'autre : quoi de commun entre les croyances d'un athée, d'un sikh
et d'un chrétien ? Quoi de commun entre les intérêts d'un
chauffeur de taxi, d'un enseignant, d'un retraité et d'un grand
patron ? La société n'est pas une, elle est composée d'une
pluralité très diverses de situations, d'individus... L'Etat
devient un danger dès lors qu'il prétend faire l'unité du peuple :
lui dire son identité, sa volonté, ses valeurs... L'Etat doit
seulement permettre la coexistence des hommes, favoriser la diversité
et la tolérance afin que son pouvoir ne soit pas constitutif d'une
privation de liberté. C'est la raison pour laquelle certains
penseurs, comme Locke, on restreint le rôle de l'Etat à la
protection des droits individuels (Locke parle de propriétés). Le
pouvoir de l'Etat légitime est, par nature, limité à la protection
des droits des personnes, dès lors son pouvoir ne saurait s'exercer
qu'au profit de la libération de l'homme.
Pour
éviter toute captation abusive du pouvoir, il faut donc que
personne, dans l'Etat, ne dispose de tous les pouvoirs. Une
constitution libre n'est pas celle où il n'y a qu'un chef sans
contre-pouvoir, ce serait plutôt un despotisme mais où il y a des
chefs capables de s'empêcher les uns les autres, de restreindre
mutuellement leur pouvoir afin que le pouvoir limitant le pouvoir,
tout le monde soit exempt du danger de captation tyrannique de
celui-ci. C'est la condition d'un exercice modéré du pouvoir en
dehors duquel les citoyens courent les plus grands dangers. C'est
l'avantage que Montesquieu voyait dans la constitution anglaise
lorsqu'il a théorisé la séparation des pouvoirs qui est, plus
précisément, un équilibre des pouvoirs. Si, par exemple, seul
l'Etat pouvait produire une information officielle en muselant la
presse, ce serait un abus de pouvoir qui empêcherait les citoyens de
prendre des décisions éclairées. La presse intervient donc comme
une forme de contre-pouvoir d'information. La pluralité et
l'indépendance des agences de presse est décisive dans ce cadre.
Toute captation du pouvoir de faire savoir par un seul, serait, au
contraire, constitutive de la privation de la plus élémentaire
liberté du citoyen qui est de pouvoir penser par lui-même. Cette
liberté ne se fait pas seule, elle est le résultat d'institutions
qui favorisent le pluralisme des voix et qui empêchent qu'un seul ne
prenne tout le pouvoir. L'institution de l'Etat est bien une
nécessité pour libérer les individus s'il est capable de limiter
l'expression de son propre pouvoir.
Il
faut, enfin, que l'Etat ne se prétende jamais détenteur de la
souveraineté qui appartient au peuple. L'Etat ne peut pas
représenter le peuple, ni vouloir à sa place comme le dit Rousseau,
dans le Contrat
social.
Sinon cela signifierait que la volonté de l'Etat se substitue à
celle des citoyens et s'en sépare au risque de l'opprimer. Il faut
donc s'assurer que toutes les possibilités de contestation, de
participation, de recours des citoyens soit assurée et favorisée
pour permettre que l'Etat soit l'organe de la liberté du peuple.
Mais c'est encore l'effet d'une institution différente de la société
et disposant d'un certain pouvoir. Il faut que l'institution
incontournable de l'Etat soit telle qu'elle s'assure elle-même
d'être l'organe des délibérations civiques et qu'elle ne prétende
jamais les maîtriser ou les circonscrire pour que l'Etat ne soit pas
constitutif d'une privation de liberté. Jurgen Habermas évoquait,
par exemple, les procédures qui permettent aux délibérations
collectives d'exister : ces procédures, il faut qu'il y ait des
institutions pour les faire exister. Dans ce cas, et dans ce cas
seulement, l'Etat ne présente plus une menace pour la liberté
puisqu'il devient l'organe et l'expression de la liberté des
citoyens.
Notre
parcours nous a montré que le rapport entre la forme de l'Etat et la
liberté était loin d'être simple. L'Etat est une forme
historiquement datée, on sait les périls liberticides que
représente le fait de concentrer le monopole de la violence physique
légitime dans une seule main. C'est ce dont l'histoire du vingtième
siècle nous témoigne. On pourrait donc être attiré par un rejet
de la forme étatique et par une nostalgie des sociétés sans Etat.
Pourtant, nous avons montré que ce serait une erreur. L'homme ne
serait pas plus libre sans Etat c'est une évidence. Mais toute forme
d'Etat n'est pas pour autant libératrice. Il s'agit que l'Etat soit
capable de limiter son propre pouvoir par des institutions
modératrices qui garantissent le peuple contre toute captation de sa
souveraineté. C'était le projet des premiers penseurs de l'Etat
démocratique, il est évident que les partisans du pouvoir absolu de
l'Etat en sont les principaux fossoyeurs.