lundi 13 avril 2015

Le silence ou le langage de l'Ultime

"méditation profonde sur cette symphonie du Silence." 
The Sound of Silence


L'Ultime, inscrit au Coeur de toute la création (Etre) tout en s'y tenant en amont (Non-Etre) n'est ni acteur, ni observateur, Il Est. Lorsque la roue tourne, son centre est silence, non-agir, et du centre à la périphérie, un mystère se manifeste : une Volonté, une Volonté dont on ne pénètre pas facilement les desseins, peut-être pas du tout. 

C'est probablement à l'Homme avec un grand H qu'incombe la responsabilité de se mettre en résonnance avec le Centre pour servir cette Volonté supérieure, la Nécessité pour reprendre le mot de Spinoza. Et par le silence pourrions-nous sans doute approcher une nouvelle Réalité. L'Ultime n'est pas matière, il est au-delà nous disent les védas (Parabrahman) nous ne pouvons donc pas l'approcher avec des moyens matériels, ajoutent certains grands saints indiens. Or le mantra est un moyen matériel. Mais le mantra a tout de même un but spirituel en soi : il est censé originellement canaliser l'esprit, afin de le plonger précisément dans le silence, ainsi le yogi entre en samadhi, en méditation profonde, dans un état de calme où le mental disparaît. Mais les déviances sont presque inévitables chez beaucoup de pratiquants : l'exultation du mystique qui pratique le mantra, prend pour une expérience spirituelle ce qui n'est qu'une expérience émotionnelle. Elle peut être tentation, un piège spirituel subtile. Car lorsque le silence sonore et mental n'émergent pas, il n'y a pas réelle transformation intérieure.

Le son émis par les cordes vocales crée des vibrations sonores qui en impactant la matière du corps (physique et éthérique) auront quelques effets sur la conscience (le mantra en Inde est un son dit sacré, il est répété sans cesse pour provoquer un état de conscience particulier). Celui qui cherche à réaliser Dieu, ou plus humblement, celui qui tente d'imiter les grands saints pour s'en approcher le plus possible, celui qui cherche à approcher Celui dont on dit que son langage est Silence (en Inde, on use du terme Srutti) doit nécessairement "s'harmoniser" avec Lui, à défaut de trouver un meilleur mot, et donc pratiquer également le Silence.... Il est enseigné par de grands maîtres indiens que les sons sacrés doivent nous mener vers un état de conscience totalement silencieux.

Or dans la littérature védique, il est question d'une transmission silencieuse de l'essence du principe vital (l'essence du prana ou pranahuti). Ici, le mantra n'est plus nécessaire. Cette transmission yoguique manifestée par de grands mystiques il y a plusieurs milliers d'années a longtemps été oubliée par la suite. Swami Vivékananda en avait le pouvoir dit-on, Kabir, Gautama Bouddha, Ram Chandra et ses successeurs également dont Sri Kamlesh Bhai aujourd'hui. L'essence transmise dans le coeur de l'homme est le pouvoir de transformation du Divin lui-même. Une sorte de pierre philosophale incarnée. Voilà entre autre pourquoi il est essentiel d'aller à la rencontre du maître spirituel incarné-vivant doté de telles capacités et non de s'accommoder des grands saints du passé par une connection avec l'invisible, bien qu'elle puisse être en un temps utile. 




Sri Kamleshji :

"À mesure que nous nous élevons, notre besoin d’être reconnu diminue de plus en plus jusqu’à ce que nous devenions un avec l’infini, nous dissolvant dans l’infini et devenant l’infini. Ainsi, il y a dans le monde matériel l’épanouissement de l’égo, tandis que dans le monde spirituel il y a la totale dissolution de l’égo personnel. Ceci est la beauté du chemin spirituel." 
https://www.sahajmarg.org/kamleshji


Le Tao Te King de Laotseu :

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Dans le monde, lorsque tous les hommes ont su apprécier la beauté (morale), alors la laideur (du vice) a paru. Lorsque tous les hommes ont su apprécier le bien, alors la mal a paru. C'est pourquoi l'être et le non-être naissent l'un de l'autre.


Le difficile et le facile se produisent mutuellement.
Le long et le court se donnent mutuellement leur forme.
Le haut et le bas montrent mutuellement leur inégalité.
Les tons et la voix s'accordent mutuellement.
L'antériorité et la postériorité sont la conséquence l'une de l'autre.
De là vient que le saint homme fait son occupation du non-agir.
Il fait consister ses instructions dans le silence.
Alors tous les êtres se mettent en mouvement, et il ne leur refuse rien.
Il les produit et ne se les approprie pas.
Il les perfectionne et ne compte pas sur eux.
Ses mérites étant accomplis, il ne s'y attache pas.
Il ne s'attache pas à ses mérites ; c'est pourquoi ils ne le quittent point.


Vous le regardez (le Tao) et vous ne le voyez pas : on le dit incolore.

Vous l'écoutez et vous ne l'entendez pas : on le dit aphone.
Vous voulez le toucher et vous ne l'atteignez pas : on le dit incorporel.
Ces trois qualités ne peuvent être scrutées à l'aide de la parole. C'est pourquoi on les confond en une seule.
Sa partie supérieure n'est point éclairée ; sa partie inférieure n'est point obscure.
Il est éternel et ne peut être nommé.
Il rentre dans le non-être.
On l'appelle une forme sans forme, une image sans image.
On l'appelle vague, indéterminé.
Si vous allez au-devant de lui, vous ne voyez point sa face ; si vous le suivez vous ne voyez point son dos.
C'est en observant le Tao des temps anciens qu'on peut gouverner les existences d'aujourd'hui.
Si l'homme peut connaître l'origine des choses anciennes, on dit qu'il tient le fil du Tao.

http://taoteking.free.fr/interieur.php3?chapitre=8


L'homme d'une vertu supérieure est comme l'eau.
L'eau excelle à faire du bien aux êtres et ne lutte point.
Elle habite les lieux que déteste la foule.
C'est pourquoi (le sage) approche du Tao.
Il se plaît dans la situation la plus humble.
Son cœur aime à être profond comme un abîme.
S'il fait des largesses, il excelle à montrer de l'humanité.
S'il parle, il excelle à pratiquer la vérité.
S'il gouverne, il excelle à procurer la paix.
S'il agit, il excelle à montrer sa capacité.
S'il se meut, il excelle à se conformer aux temps.
Il ne lutte contre personne ; c'est pourquoi il ne reçoit aucune marque de blâme.